Qui se souvient aujourd'hui de cette bourgade marine située aux confins des littoraux volcaniques, cette petite anse oubliée des routes et du progrès ? On y accédait par un seul chemin, malaisé, pierreux, escorté tout le long d’aloès et d’épineux, que les muletiers empruntaient encore à l’époque pour transporter à l’intérieur des terres la récolte étincelante de la mer. Quand le ciel était clair, nous partions vers la côte dès le point du jour pour y surprendre l’aurore à notre arrivée. À un dernier détour du voyage, la baie nous apparaissait tout entière, baignée d’or et d’azur, avec sa grève de sable noir que mouillait un lagon d’opaline. Quelques barques échouées parmi les varechs, une chapelle au bord du chemin, des lopins de terre cultivée annonçaient le village qu’on découvrait enfin dans l’ombre de son rocher. Et toute cette pauvreté flamboyait dans le matin neuf, cette royale pauvreté d’une terre indemne, où persistait là, entre le ciel et l’eau, une population que l’incertitude des temps à venir n’avait pas encore atteinte.
Pascal Vinardel
Les salines
Pascal VINARDEL
Les salines
Huile sur toile
H. 97 cm ; L. 146 cm
2021/2022